Guide de l’apprentissage du palais !

Ces derniers temps, plusieurs personnes de mon entourage et de très nombreux lecteurs en transition, s’essayant au végétarisme, ou végétalisme, m’ont fait les mêmes réflexions  :

“Les aliments sont souvent beaucoup plus forts” ; “Ce ne sont quand même pas des aliments courants” ; “Tout n’est pas facile à trouver” ; “Les saveurs sont vraiment différentes, dur de s’y habituer” ; “Parfois c’est trop rustique” ; “C’est cher, c’est compliqué…”

En bref, manger végétalien, c’est différent. Et c’est vrai. Pour une raison bien simple en vérité : nos palais ont été habitués, pour la grande majorité, à manger raffiné. Pas le raffiné = chic. Non, raffiné = dénué de substance nutritives, industrialisé, aseptisé. Il est certain que lorsqu’on consomme du “riz blanc 2 minutes de cuisson au micro-ondes”, des pâtes précuites, du blé quel-que-soit-la-marque-il-a-le-même-goût, de la baguette blanche, de l’huile spéciale cuisson-assaisonnement-hydratation du lambri et brillance du carrelage, du sucre blanc, du poulet de batterie, du fromage au lait stérilisé et des légumes hors saison, s’essayer du jour au lendemain au riz complet, au pain au levain, aux spaghetti de sarrasin, au sucre complet, aux légumes bios de saison pleine terre, au soja, au tempeh et aux huiles vierges peut être déstabilisant, voire parfois désagréable au goût. Certains sont donc tentés de laisser tomber ces changements et de rester dans le lit douillet et rassurant des habitudes alimentaires déjà acquises.

Habitudes

C’est bien là que tout se joue. Notre palais est un instrument et à ce titre, il faut lui apprendre, ou réapprendre de nouvelles saveurs. Tout le monde ne devient pas forcément végétalien du jour au lendemain. Il y a d’une part des habitudes très ancrées (un aliment protéiné entouré de légumes et de légumineuses), des modes de consommation dont on a du mal à se défaire. Il y a des croyances auxquelles il est difficile d’échapper tant elles nous sont martelées : impossible d’avoir du calcium sans lait, impossible d’avoir suffisamment de protéines sans viande/poisson, impossible de faire un gâteau sans oeufs, impossible de finir un repas sans fromage… Cela me rappelle l’époque où il me semblait impossible de finir un repas sans une cigarette.

Il y a la vie en société qui est, on ne va pas se mentir, bouleversée dès lors que l’on mange autrement. Pas besoin d’être végétalien pour subir ces difficultés ceci étant : une personne intolérante au lactose ou au gluten aura toute la difficulté à manger en extérieur de nos jours. Mais si en plus, on ne consomme pas de produits carnés, être invité ou sortir devient compliqué, surtout lorsqu’on est en pleine transition et donc que l’on a parfois du mal à argumenter ses choix.

C’est dur de manger SANS

Manger végétalien, ce n’est pas manger “sans”, c’est manger “avec” : avec plus de légumes et de fruits, davantage de céréales et légumineuses variées, d’oléagineux, de graines. Pour beaucoup manger végétal = manger des légumes. Heureusement que non, on serait bien vite carencé ! Même certains végétaliens ont des croyances erronées : qu’il est indispensable de consommer du soja, des fruits secs, ou des oléagineux chaque jour. Il n’y a pas de règle toute faite : le règne végétal est suffisamment bien conçu pour que chacun puisse équilibrer ses repas, en fonction de ses goûts. Il faut simplement manger de tout, régulièrement. L’équilibre alimentaire ne se fait pas sur un repas, ni une journée, mais sur plusieurs jours. Le corps humain est une belle machine qui stocke les nutriments et qui ne va pas se désagréger si pendant quelques jours, faute d’envie, de connaissances ou de placards remplis vous ne lui apportez pas tout ce qu’il faut. Il est bon quand on souhaite changer de régime alimentaire, quelle que soit la raison, d’y aller progressivement afin que ces changements deviennent de vraies habitudes et que sans y réfléchir vous les intégriez dans votre quotidien.

Ce ne sont pas des produits communs, on ne les trouve pas partout c’est donc un truc de riches ou de gens qui ont du temps

Cette réflexion m’a toujours surprise : quand vous voulez cuisiner vraiment indien, vous aller bien chercher de bonnes épices? Quand vous voulez cuisiner italien, vous allez bien chercher des bonnes pâtes, de la bonne huile d’olive, des antipastis? Quand vous voulez faire un repas turc ou grec, vous allez bien chercher des ingrédients spécifiques à cette cuisine comme les feuilles de vigne, du houmous, des aubergines, des mezze, etc…? Et bien la cuisine végétale possède aussi ses ingrédients qui lui sont propres. Certes on ne les trouve pas encore partout mais cela se démocratise. Et encore, il n’y a aucune obligation pour avoir un régime alimentaire équilibré de les consommer, ces ingrédients. Le tofu, les fruits secs, les purées d’oléagineux, les flocons en tout genre, les galettes de céréales, les similis carnés, etc… apportent simplement un sacré plus au niveau de la variété. Mais si vous voulez continuer de manger vos pâtes ou votre riz avec de la sauce tomate et des légumineuses / du haché végétal/ des steaks végétaux en lieu de place de la viande, c’est possible! Pas besoin de chercher compliqué, d’aller faire les courses loin si vous n’avez pas de magasin bio à proximité ou d’être riche.

Et puis les patates sautées à l’huile c’est vegan ! Les pâtes à l’ail et aux tomates confites aussi ! Ouaiiiiiissss!! Hum.

Pour être végétalien il faut manger du tofu et le tofu c’est pas bon

Rhaaaaaaa. Cliché, lieu commun, le pauvre tofu il s’en prend toujours plein la tête! On peut parfaitement ne jamais manger de tofu et avoir une alimentation équilibrée ! Mais ce serait se priver d’un aliment assez hallucinant d’un point de vue nutritionnel. En effet, notre ami le tofu, réalisé à partir de fèves de soja est l’un des ingrédients les plus riches en protéines (davantage que la viande) mais également en vitamines, minéraux.

“Oui, mais une côte de boeuf ça a plus de goût quand même” rétorqueront les détracteurs de la cuisine végétale. Le tofu, qui est devenu l’emblème de la cuisine végétale (alors que franchement, je connais assez peu de gens qui ont troqué leur steak pour un bloc de tofu) est fade par nature. Mais il y a des dizaines de possibilités de le cuisiner facilement et on trouve aujourd’hui d’excellents tofus fumés, aux tomates séchées, au pesto, aux olives, aux algues, saveurs indiennes, sucrés/salés, fermentés, panés, etc…Il serait réducteur et faux de dire que manger du tofu remplace le plaisir gustatif que peut apporter la viande, ce sont deux aliments complètement différents en texture et en saveurs. Mais le reléguer au rang de mauvais aliment sous prétexte qu’il doit se cuisiner pour être bon est vraiment dommage. La première fois que j’en ai mangé, bien avant d’être végétalienne, c’était un bloc acheté en grande surface et je me suis dis PLUS JAMAIS JE MANGERAI CE TRUC DEGUEULASSE ! Et ça vaut toujours pour les tofu de grande surface. La deuxième fois c’était dans un (vrai) restaurant japonais et je n’ai pas souvenir d’avoir mangé depuis un plat aussi sensuel. C’était du tofu extrêmement moelleux et ferme à la fois, mariné, frit et présenté dans un bouillon gras, un plat absolument incroyable en saveurs et une grosse claque dans mes préjugés.

Est ce que le tofu peut remplacer gustativement la viande et le poisson? Non, clairement pas et franchement il est absurde d’essayer de les comparer à ce niveau. Dans la viande il y a du sang, de la graisse et c’est ce qui lui donne ce goût.  Il y a des équivalents tout aussi savoureux (pour preuve la vidéo sur le chorizo) comme la multitude de simili carnés que l’on trouve aujourd’hui, pour peu que l’on s’essaie à les cuisiner. Le tofu est simplement un aliment parmi tant d’autres, pas celui voué à remplacer viande et poisson en goût.

C’est impossible de devenir végétalien quand on aime la viande // C’est plus facile de devenir végétalien quand on aime les animaux

Franchement, de nombreux végétariens n’arrêtent pas de manger de la viande parce qu’ils n’aiment pas ça, mais parce qu’ils font le choix de la vie. De se dire que finalement aucun plaisir gustatif, aussi jouissif soit-il, ne justifie l’exploitation, la souffrance et la terreur que connaissent les animaux aujourd’hui pour finir dans nos assiettes alors qu’on peut s’en passer (nan, parce qu’il y en a bien un qui va me sortir que le lion, lui il mange des antilopes, alors nous aussi on doit le faire pour survivre). Aucun morceau de fromage aussi divin soit-il (et dieu sait que j’en ai mangé, dévoré, dégusté) ne justifie qu’on sépare les petits de leur mère pour lui prendre son lait. Et je peux affirmer aujourd’hui, allaitant mon 3ème enfant, que cela me semble complètement hallucinant. Imaginer une seconde qu’une espèce se croyant supérieure à la notre me l’enlève aussitôt née, pour me traire en dépit de tout attachement et lien maternel que chaque mère connait, humaine ou non humaine (et oui, les vaches, chèvres, brebis aiment autant leur petits que nous nos bébés), m’engrosser de force chaque année et m’envoyer à l’abattoir pour finir en steak au bout d’à peine le quart de ma vie parce que je ne suis plus bonne à rien… Quelle horreur.

–>Le premier qui m’approche pour me piquer mon lait, je lui explose la tête.

Combien de fois m’a t-on dit “mais quand même, un bon morceau de viande / de poisson grillé / de fromage fondant…? Tu n’aimais pas ça? ” Mais si, j’adorais. Comme tout le monde. Renoncer, car il s’agit bien d’un renoncement au début, est une suite logique de cette réflexion. Réapprendre de nouveaux plats, de nouvelles recettes, prendre de nouvelles habitudes. Il n’y a rien de bien compliqué au final, surtout aujourd’hui. Un végétalien il y a 40 ans, sans internet, sans beaucoup d’alternatives, je ne dis pas. Mais aujourd’hui ?

Quant à l’allégation qu’il est plus facile d’arrêter de manger des animaux quand on les aime, je connais des tas de gens qui vénèrent leur chat, leur chien, leur canari ou leur hamster, qui ne leur feraient pas subir un millième de ce que subissent les animaux d’élevage et qui se contrefichent de manger de la viande. Donc cela n’a rien n’a voir. Il n’est pas besoin d’aimer pour respecter.

Dans la cuisine végétale il faut mille ingrédients pour faire un plat

Dans la cuisine, ce qui donne du goût et met en avant les saveurs ce sont en gros : les condiments (épices, aromatiques…), le sel, le gras et le sucre. Et ce n’est pas propre à la cuisine carnée (ouf!).

Encore une fois, il y a mille ingrédients pour varier, mais pas d’obligation de tous les acheter ! Il y a sur ce blog et beaucoup d’autres tout un tas de basiques avec des ingrédients “classiques”. Le sel est végétalien (chouette!), la plupart des condiments également, le sucre aussi, et les matières grasses sont simplement différentes et demandent pour certaines une adaptation du palais (on y revient !). En lieu et place du beurre, de la crème épaisse, du gras de viande (saindoux, suif, graisse de canards…), vous avez désormais à disposition une multitude d’aliments gras pour les remplacer : des purées d’oléagineux (amandes, noix de cajou, cacahuètes) certes assez coûteuses mais qui permettent de varier de temps en temps, de l’huile, de la crème et du beurre de coco, des huiles d’olive, tournesol, sésame, noix, colza, argan, noisettes, de l’avocat, des margarines…

Alors oui, les végétaliens ont des goûts bizarres, jusqu’à ce qu’ils deviennent des goûts “normaux”.

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10 commentaires

  1. Oui, il y a beaucoup à dire, c’est pour ça qu’il faut le dire comme vous venez de le faire, de bien belle façon. De plus, ça nous donne quelques arguments supplémentaires quand il nous reste l’envie de discuter avec des têtes de bois.
    Merci

    1. Mélanie says:

      Merci à vous Sylvie pour ce message, il est vrai que parfois, face à des gens qui sont butés, difficile d’expliquer simplement ce qui est devenu la “norme” pour nous ;), et difficile de faire comprendre que la majorité d’entre nous n’est pas née végétalienne mais nous avons aussi appris.
      A bientôt,
      Mélanie

  2. Catheryne says:

    Tout est dit, c’est vrai. Pour ma part, j’ai redécouvert les légumineuses, les légumes, les différentes façons de les cuisiner. J’ai découvert le tofu, le seitan. Je cuisine des recettes que je connaissais mais sans produits animaux, je me régale, ma famille aussi. Je fais goûter mes recettes à mon entourage. Je suis en paix avec moi-même, même si j’ai commencé trop tard à mon goût à être végétarienne et maintenant végétalienne.

    1. Mélanie says:

      C’est vrai que l’on redécouvre beaucoup d’aliments qui auparavant occupaient une place mineure, qui n’étaient que des “à côté”! Et je pense que c’est un sentiment commun, ce regret de n’avoir pas ouvert les yeux plus tôt. Mais je préfère voir le verre à moitié plein et me dire qu’il n’est jamais trop tard !

  3. Merci pour cet excellent article, c’est si bien expliqué ! Il faudrait que je m’attelle moi aussi à (tenter de) traiter ce type de sujet, c’est très intéressant.
    Je découvre ton blog avec plaisir 🙂
    Merci pour ce partage,
    Andréa

  4. Hello!
    Je découvre aujourd’hui votre blog et j’aime beaucoup! J’aurais envie de soutenir pas mal de chose par ma propre expérience, mais je me contenterai de citer une expérience personnelle que je n’aurais pas crue possible au début de mon passage vers une nouvelle alimentation. Comme vous dites : le palais doit s’habituer et aussi se déshabituer. Ainsi au début de mon végétarisme (plus de 5 ans maintenant), je me disais parfois que j’avais bien envie de remanger un petit bout de tel plat carné qui m’évoquait des souvenirs (parce qu’une grosse part de notre attachement est dans le contexte qui a entouré nos souvenirs heureux, je pense). J’imaginais ce plat comme particulièrement savoureux (fantasme en plein) et puis si l’occasion se présentait d’en manger à l’extérieur j’en mangeais en me disant un peu “ahaaaa ça va être super bon!! miam!” et puis… dès la première bouchée c’était la déception! Ca n’était jamais aussi bon que dans mon souvenir. J’ai du me résoudre à admettre finalement que les plats que j’avais beaucoup aimé ne le plaisaient plus aujourd’hui. Je ne les trouvais plus très bons. Souvent trop gras ou fade, je trouvais qu’ils sentaient l’animal, voir l’étable ou la bouse (sisi! beutk!). Quand aux biscuits ou gâteau je ne sentais plus que le sucre et la graisse et bof… Enfin voilà, le palais c’est comme les jambes ou le cerveau : ça s’éduque et ça se travaille! (et quel travail!) 🙂
    Bonne continuation!

    1. Mélanie says:

      Bonsoir Anna,
      Il y a énormément de plats de mon enfance et de mon adolescence qui ont de fortes connotations sentimentales. Certainement qu’ils étaient bons, voir très bons, ma famille cuisine vraiment bien, et j’en garde de bons souvenirs. Il ne sert à rien de les entacher avec ce que l’on ressent maintenant, ce ne changerai rien. Mais il est vrai que le palais s’éduque et que cela peut prendre du temps, alors c’est bon de le savoir car nombreuses sont les personnes souhaitant changer leurs habitudes mais qui sont rebutées et décues au premier essai ! 😉
      Il faut persévérer en effet et cela vaut le coup !
      Au plaisir d’échanger,
      Mélanie

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